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"Juppé démission !"



le 12/12/95 : Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté mardi après-midi à Paris. De République à Nation, ils ont appelé au retrait du plan Juppé et à la démission du Premier ministre. L'ambiance était à l'électricité.

"Laissez passer l'enterrement du plan Juppé."Les manifestants chantent d'une voix forte. Ils avancent d'un pas lent, un grand cercueil noir dans les bras : "Ici gît le plan Juppé."
Comme eux, ils sont des dizaines de milliers -50 000 manifestants selon la police, 200 000 selon la CGT- ce mardi après-midi 12 décembre à fouler le sol parisien, de République à Nation via Bastille. Une journée d'action nationale organisée par la CGT, FO et les syndicats enseignants, FSU et FEN, très suivie à Paris comme en province. En tête du cortège, Marc Blondel, le leader de Force Ouvrière (FO) a d'ailleurs déclaré "M. Juppé avait parlé de deux millions de personnes. Je crois qu'il va les avoir dans la rue."
Dans un épais brouillard d'engins fumigènes et de feux de Bengale roses, les manifestants défilent aux sons des cornes de brume. Coups de sifflets, explosions de pétards, le vacarme est assourdissant, l'ambiance électrique. En dépit de la fatigue et des soucis financiers, les manifestants restent décidés pour cette sixième journée d'action.

Humour et tambours
Vêtus de combinaisons blanches, les cheminots de la CFDT marchent en rang serré. Sur une banderole, un père Noël à la mine renfrognée porte dans sa hotte le plan Juppé : "Juppé pour Noël, retire ton cadeau empoisonné", réclament les employés de la gare Paris Saint-Lazare."On veut tous le retrait du plan Juppé et du contrat de plan SNCF. C'est notre force. On ne croit pas à la négociation avec le gouvernement, explique Pascal, 32 ans, cheminot à Masséna. C'est pas après dix-huit jours qu'on va abandonner !"
Et un cheminot à vélo de lancer à la cantonade "Je suis le seul cheminot qui roule !".Aucun doute, aujourd'hui, les cheminots sont les plus nombreux et les plus revendicatifs. Larges banderoles, mannequins de chiffon, humour et tambours, ils ne reculent devant rien pour se faire entendre. Un cheminot, coiffé d'une toque à la Davy Crockett frappe violemment sur de grands bidons rouillés.

"Un autre monde..."
Derrière, les autres salariés du service public -EDF-GDF, RATP, sapeurs pompiers, France Télécom, personnel hospitalier, ...- défilent un peu plus calmement. Certains ont accroché dans leur dos des pancartes sur lesquelles on peut lire : " la retraite après 37,5 ans pour tous" ou "RDS = Racket des salariés" (RDS : remboursement de la dette sociale). D'autres arborent, collés sur leur veste ou leur front, de petits autocollants verts, jaunes ou rouges "Moi, j'aime la retraite".
"Moi aussi ! " , s'exclame le vendeur de Charlie Hebdo tout en faisant la promotion de son journal. Marchands de journaux, de merguez ou de sandwiches, ils ont tous installé leurs stands sur le parcours de la manif. Et se frottent les mains. "Aujourd'hui, ça marche". Au loin, volent des gros ballons blancs aux couleurs du SNES et de la FSU. Marie-Françoise, une institutrice à l'air dynamique et convaincu, porte haut sa pancarte en carton : "Juppé, t'es foutu, les Français sont dans la rue". Des centaines de voix lui font écho. Elles scandent en hurlant "Et hop, Juppé, ton plan y va sauter !" ou encore "Juppé, démission !".
Malgré la fumée suffocante, les badauds sur les trottoirs s'arrêtent pour applaudir et montrer leur solidarité envers les manifestants. Des rangs étudiants s'élève une chanson de Téléphone, reprise en choeur par tous : "Je rêvais d'un autre monde..."

Nathalie Perrier et Elodie Weymeels.
A voir le reportage photo de Nathalie Perrier et Elodie Weymeels.





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